Dimanche 2 mars. 16 heures 44
Me voilà à peine
installé dans le train du retour que j'imagine déjà les
forumaniaques m'assaillant de demandes alors que ma petite tête saturée
d'images et de souvenirs ne souhaite que s'abandonner au repos. Mais si je
me défile, Alain et Bruno vont m'accabler !. Allons bon ! Voilà
que je me décide à baisser la garde avant même de livrer
combat. Voici donc, cher lecteur, la petite et sommaire histoire d'une poignée
de ces chronomaniaques en vadrouille à Genève illustrée
par les quelques photos de l'auteur qui ne seront pas trop inexploitables
au tirage.
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Samedi 10 heures 45. Arrachés
de leur juste sommeil à 5 heures du matin, une poignée de LPDMistes
parisiens débarque en gare de Genève. Nous nous sommes vites
retrouvés dans le TGV et les commentaires sur les derniers trucs
qui donnent l'heure vont
bon train (désolé
!). A la gare, premier hic. Impossible de trouver Patrice et son épouse
Annick. Nous apprendrons plus tard que la SNCF s'est montrée incapable
de leur délivrer dans les délais le billet que l'automate, planté
dans son programme, s'était obstinément refusé de leur
imprimer et qu'ils ont manqué le train du matin ! Nous les retrouverons
à 14 heures.
La petite troupe, après une
brève hésitation, retrouve dans le hall du proche hôtel
Cornavin ses hôtes et gentils organisateurs, Christophe GOLAY et Emile
SPIERER, de Golay et Spierer que l'on ne présente plus (ceux qui n'ont
pas encore parcouru l'intégralité de leur site sont invités
à interrompre immédiatement cette lecture , à cliquer
sur www.golay-spierer.ch et à ne revenir qu'avec un mot d'excuse signé.
Non mais). Christophe et Emile sont accompagnés de plusieurs amis et
proches, familiers et / ou artisans, qui vivront avec nous les très
riches heures de ce week end horloger : Henri, Thomas, Jusi, Gérard,
Patrick, Antonietta, Jérôme, etc. Domi38 et Jean Pierre "Jip"
sont également présents. Joël de Toulouse, l'encyclopédie
vivante de Chronomania, arrive en avion et nous retrouvera sous peu. Monsieur
Jean KAZES est parmi nous et nous le suivons dans la visite du "Cur
de Cornavin", la plus grande pendule du monde qu'il a conçue et
réalisée.
"Rez de chaussée : vins
et spiritueux. Masse du balancier". Dans le lounge oscille l'extrémité
d'un sculptural balancier. Il faut lever les yeux au zénith pour apercevoir
huit étages plus haut la magistrale horloge reliée à
icelle par une structure d'acier de 30,02 mètres de long (Guiness book
certified).
Nous empruntons les ascenseurs. "8ème
étage : salle de restaurant, vue panoramique sur Genève et horloge
monumentale". Celle ci marquée du style qui caractérise
les uvres de son auteur est actionnée par deux poids de 20 et
40 kilos qui sont remontés électriquement quand les contrepoids
atteignent les contacteurs au faîte de leur course.
L'horloge monumentale au 8ème
"5ème étage :
linge de maison et échappement". L'échappement révolutionnaire
excentrique a été étudié dans le souci de respecter
le silence. Après tout nous sommes dans un hôtel suisse ! L'axe
pivotant de caoutchouc mû par la friction d'un échelon à
palier du balancier satisfait sans conteste à cette contrainte.
Nous quittons l'hôtel Cornavin
pour nous rendre à l'Auberge du Carouge, proche des ateliers Golay
et Spierer, où nous passerons la prochaine nuit. Emile nous attend
dans sa "bétaillère", longue camionnette orange vif
flanquée tout le long de son volume de chargement de 2 banquettes sur
lesquelles nous nous alignons. Nous voyagerons ainsi à maintes reprises
dans cet attachant "mini bus" tout au long du week end.
Nous sortons de l'auberge après
y avoir déposé nos petites affaires et nous rendons cette fois
à l'atelier de Jean KAZES. Ce créateur génial d'origine
bulgare y réalise avec des moyens simple et artisanaux de sculpturales
et inimitables horloges où s'enroulent à l'envi les volutes
de métal. Coup de cur personnel pour un modèle à
quantième et phase de lune ou l'inextricable problème de la
courbure de notre satellite (croissance / gibbosité) est tranché
par l'emploi d'une lune sphérique.
Point d'ordinateurs ou de commandes
numériques en ces lieux mais un véritable travail d'artisan
et d'artiste à la fois monumental et imprégné d'une forte
identité.
à la réalisation
Dans un coin, j'aperçois sous
plastique un ensemble balancier / roue d'échappement en métal
et plexiglas qui n'est pas sans évoquer les expériences culinaires
de l'ami JJ CASALO
Nous sortons déjeuner dans
le soleil et la douceur de Carouge, charmante "banlieue" genevoise
aux allures de petit bourg et nous retrouvons devant un premier et déjà
généreux repas. Chacun se présente et raconte son histoire
autour de la tablée. De nombreuses créations de nos amis Emile
et Christophe sont là, qui circulent de main en main.
On en oublie un moment le temps qui
passe et notre rendez vous prévu à 14 heures au musée
Patek Philippe. Nous nous y rendons avec un retard léger mais indigne
de la précision des produits de la prestigieuse maison. Et nous y retrouvons
Patrice et Annick.
Après la projection d'un film
aux senteurs hélas un peu trop
publicitaires ("Jamais vous
ne serez que le grand père de votre petit fils qui un jour, etc.")
mais suffisamment bref, la visite s'opère du 3ème étage
au 1er étage. Au 3ème, après avoir entendu l'histoire
de la marque et de ses fondateurs, on peut arpenter une riche bibliothèque
tout entière tournée vers notre dévorante passion. Possibilité
de consultation sur demande et sur rendez vous.
Au second, l'on entame l'histoire
de l'horloge portative qui deviendra la montre mécanique. Après
avoir redécouvert le spiral et son balancier sur les traces de Huygens,
contemplez la richesse du travail des émailleurs d'alors.
On me pardonnera les vagues clichés
photographiques qui colorent mon propos et qui sont si loin de refléter
la beauté des trésors du musée Patek Philippe. Tout photographe
à peine amateur de mon triste niveau doit savoir ce qu'il en coûte
de vouloir capturer l'émotion suscitée par de tels objets à
travers des vitrines éclairées (bonjour les auto focus qui ne
savent plus où ils en sont) et avec interdiction d'utiliser le flash
! (Trop sombre, trop flou, couleurs sabotées
) le tout en essayant
de suivre une guide et un groupe et pressé par le temps et le groupe
qui suit !
Toujours au second, vers le fond,
arrêtez vous longuement devant les montres à automates, à
jacquemarts, à musique, à tout çà à la
fois
Coup de cur de Kfir pour cette montre où l'on voit
Moïse frapper le rocher et en faire jaillir une eau qui semble vraiment
ruisseler tandis que tout un tas d'autres personnages s'animent.
Observez dans le miroir lincroyable niveau de finition et de décoration de ce mouvement. A côté, le poinçon de Genève cest du bas de gamme !
La « Moïse » met en scène un grand nombre dautomates aux mouvements complexes. Le détail en 3D des composants du mécanisme et de leur fonction, projeté en arrière plan, est un hymne au génie de lhorlogerie
Un écran avec éclatés
3D et schémas de construction de type "flash" viennent pour
cette montre comme pour d'autres pièces extraordinaires parachever
l'admiration en détaillant les mille et un mécanismes intérieurs
créés pour donner vie à ces chefs d'uvres.
Le « Pistolet à oiseau chanteur ». Boîtier en arrière plan et son inextricable mécanisme à automate en avant. Une pièce étonnante
1er étage. On entre dans le
vif du sujet et
de la manufacture Patek de sa création à
nos jours. Le monde fascinant des grandes complications de poche trace une
route qui vous conduit à son pharaon sous sa pyramide de verre blindé.
La "Calibre 89". A propos de calibres, durant cette traversée
des paradis micromécaniques, cest à peine si nous remarquons
que se sont joints discrètement à nous 3 « membres du
personnel » de Patek manifestement venus sassurer par tous les
moyens éventuellement nécessaires que nous navions aucune
visée trop possessive sur les Trésors du Temple.
Le Pharaon sur son trône. Il vaut mieux ne pas la faire tomber sur son pied. Elle nest pas légère ! Dailleurs, il vaut mieux ne pas la faire tomber du tout )
En fait d'oignon, çà
tourne plutôt à la citrouille ! Elle pèse plus de 1 kilo
et on alignerait sans doute 3 ou 4 Panerai le long de son imposant diamètre.
33 complications, pas une de moins. Le jeu consiste alors à trouver
ce qu'elle ne fait pas. And ze winner is Francesco, outré que ce machin
n'indique même pas l'heure des marées. Lui qui avait fermement
décidé de l'acquérir s'est finalement abstenu et est
reparti déçu !
Plus loin, après avoir contemplé
la "Henry Graves" et son célèbre record
financier,
on pénètre notre cher (cher ?) domaine des montres bracelets.
Heures internationales émaillées ou non, répétitions,
rattrapantes, Calatrava, commandes personnelles de célébrités,
rares réalisations de la maison (des Reverso, mais oui
), lecture
digitale futuriste (proto). Et l'on finit (brièvement, rassurez vous)
par quelques quartz. Et oui, depuis 1837 il y a eu des Patek à quartz
et il y en aura sans doute encore
Mais peut on parler de l'histoire
de l'horlogerie sans évoquer cette technologie ?
Calatravas en stock
et ce modèle aperçu autrefois sur Armbanduhren qui représente la carte d'Egypte et la Vallée du Nil
Les rares émailleurs aujourdhui nont rien à envier à ceux dantan. Chacune de ces pièces représente pour Suzanne Rohr près de 400 heures de travail
Frustrés de ne pas disposer
d'au moins 8 heures de plus, nous quittons le musée Patek Philippe
et nous rendons, bientôt rejoints par notre guide du musée Patek,
chez la joviale Jusi et son non moins jovial mari, Arsène de la Société
de Maroquinerie. Celle ci est située dans un véritable atelier
de cabinotier, au 5ème étage d'un immeuble genevois, le long
d'une galerie de fenêtres au nord.
Jusi et Arsène assurent la
réalisation des bracelets des Golay Spierer depuis 2001 après
JC environ et accessoirement ceux d'une marque de luxe aux célèbres
diamants noirs et de quelques autres encore. Ils peuvent tout travailler et
nous détaillent les étapes de la réalisation d'un bracelet
de montre et de la couture de la peau autour de l'âme en "indéchirable"
(Cà porte bien son nom. Nous essayons sans succès de le faire
mentir) et de la forme taillée dans une sorte de feutrine dense.
Toutes les couleurs sont là et surtout une interminable ménagerie hante cette caverne d'Ali Baba : croco, bien sûr, et lézard, mais aussi requin, autruche, (peau et pattes), galuchat (raie), serpent, coq, éléphant, hippopotame, saumon et crapaud Il ne manque que la moule et le doryphore ! Choix du fil, bien entendu, et résultats superbes et parfois franchement originaux. Vous voulez voir le travail ? Retrouvez le sur le site de Christophe et Emile. Leurs bracelets sont tous faits par Jusi
Retour à l'Auberge, toujours
en bétaillère. Il pleut maintenant comme bovidé qui se
soulage. Un coup de propreté aux LPDMistes et nous voilà repartis
pour le dîner du soir. Nous traversons des rues où les horlogers
de luxe s'alignent sur des hectomètres comme les grossistes de confection
dans le Sentier. Même après fermeture, les vitrines sont encore
bien garnies. On est à Genève ! Heureusement pour nos comptes
bancaires, on ne peut plus rien acheter à cette heure !
Chaleureux dîner dans une cave
de pierre qui nous est réservée. Nous y dégustons des
coquelets à la broche et un bien surprenant vin genevois qui semble
gorgé de soleil "comme un Languedoc réussi" (Joël).
Crème brûlée,
café, fin du repas. Joël et Emile se battent avec un ordinateur
portable qui refuse obstinément de recracher son diaporama PowerPoint
dans le projecteur. Finalement l'informatique rend les armes et Joël
entame sa projection et son exposé sur les chronographes introuvables.
Quiconque connaît l'impressionnant niveau de connaissances acquises
par Joël de Toulouse en huit années d'études imagine le
voyage dans les profondeurs historiques des calibres parfois oubliés
! Joël nous conte sa quête des modèles premiers et pionniers
(première rattrapante, première règle à calcul,
etc.) et l'agrémente de la présentation de quelques uns des
plus beaux mouvements de chronographe. Je ne m'étendrai pas plus longuement
ici. Joël nous prépare un dossier sur le sujet qui viendra bientôt
enrichir les pages de votre site préféré.
Chassés des lieux par la législation
locale (à cette heure le resto doit fermer) nous retournons à
l'auberge à 1 heure 30 du matin pour une bonne nuit de sommeil. Nos
amis suisses veilleront jusqu'à 5 heures pour regarder le triomphe
historique du Défi Suisse Alinghi dans la Coupe de l'America.
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Dimanche matin 9 heures. Après
une nuit aussi bonne que courte et un petit déjeuner à l'auberge,
les LPDMistes se retrouvent à l'atelier Golay Spierer situé
à quelques centaines de mètres. C'est un endroit fort accueillant
qui respire le calme et la douceur de vivre à l'image de ces quartiers
de Carouge où il est sis. On y discute quelques instants à la
fenêtre avec Christophe, au travers de la grande baie aux montants boisés
qui tient lieu de vitrine, avant d'y pénétrer. C'est comme à
la campagne !
L'atelier se compose d'une pièce
d'accueil chaudement meublée, sans ostentation, garnie de fauteuils
profonds d'une grande table ancienne, d'étagères et d'ouvrages
spécialisés et de meubles aux multiples tiroirs renfermant des
petites pièces ou des outils d'horlogerie. Les murs sont ornés
de photos ou de représentations de quelques unes des créations
des deux compères. Sur l'arrière on accède à un
local où les puissantes loupes binoculaires côtoient le matériel
informatique, les dossiers des pièces réalisées ou des
projets et quelques instruments. Là, Christophe uvre derrière
son écran et entreprend de nous démontrer les formidables potentialités
de ses logiciels pour guider le client dans sa conception ou pour réaliser
les plans d'exécution. Nous y voyons apparaître les plans de
coupe, les cotes, les figures tridimensionnelles
Christophe et Emile nous commentent
ensuite les principes de construction du "bo”tier Golay et Spierer"
désormais bien connu de ceux qui ont au moins visité leur site (comment ?!
Vous ne l'avez pas encore fait !!!) et les différentes étapes de la découpe
dudit bo”tier depuis la pièce de métal originelle.
· et sa découpe depuis la pièce de métal brut
Viennent ensuite les mouvements.
Et là c'est comme à la Samaritaine : on trouve de tout et de
nombreuses origines : Valjoux, ETA, Venus, Universal
Nous passons de
longs moments à étudier ces calibres et à soumettre certains
au test impitoyable de la binoculaire X 12. Croyez moi, çà ne
pardonne pas ! Deux mouvements qui à l'il semblent de finition
à peu près similaire peuvent révéler d'incroyables
différences.
Marzena et Annick tombent en arrêt devant une "squelette" pour dame au mouvement décoré qui se languit dans la vitrine. Il y a des airs de CHI naissante Et de se lancer dans la recherche des différents bracelets, aiguilles, finitions, boîtiers, qui personnaliseront le rêve qu'on sent soudain planer ! Pour ma part, je contemple dans un coin ce que j'ai profité de ce voyage pour venir également voir : un mouvement d'une rare beauté et d'un grand "potentiel" - et je prend sous la bénédiction de mon épouse conquise une décision qui me trottait dans la tête depuis bien longtemps. On en reparlera un jour plus lointain. C'est un projet à (très) long terme.
Je ne m'étendrai pas beaucoup plus sur les travaux de Golay et Spierer
largement développés sur leur site (celui sur lequel vous vous
êtes déjà rendus à ce stade parce que sinon vous
n'êtes pas beau. Voilà.) Nous quittons à regret cet endroit
reposant où l'on se prendrait si volontiers à rêver dans
les bras d'un fauteuil à la conception des plus belles complications,
un verre de cognac au creux de la main en s'abandonnant aux senteurs d'un
grand Havane (ma préférence) et retrouvons la "bétaillère"
pour notre prochaine étape : le bureau genevois du COSC (Contrôle
Officiel Suisse des Chronomètres pour les nouveaux). Petite touche
avant le départ : la maison nous offre à chacun un mouvement
complet (si si
). Pas exactement du Patatek à répétition
mais une curiosité souvenir, par la simplicité des pièces
et traitements employés.
La rencontre avec le COSC me surprend.
Comme beaucoup sans doute, je m'étais figuré une sorte de bunker
gigantesque un peu à l'écart flanqué d'un gigantesque
"COSC" stylisé, isolé de son environnement par 3 rangées
de barbelés et de fossés antichars et un parc arpenté
par des molosses tractant des patrouilles de gardes armés jusqu'au
casque défilant entre les panneaux "Achtung minen" et "Authorized
personnel only" sous le regard d'un système de vidéo surveillance
jamesbondesque. Et bien non. Le COSC de Genève se situe au 5° étage
d'un bâtiment totalement anodin et la seule signalisation de sa présence
est une étiquette sur l'interphone entre les Madames Michu et les Messieurs
Durand ! C'est donc là que l'on teste ces milliers et ces milliers
de mouvements et que se terrent les secrets qui font couler tellement d'octets
sur les Timezone et autres ? Que les mauvais plaisants passent leur chemin,
la porte et les systèmes de sécurité sont manifestement
aussi sérieux que la grande institution elle même.
Nous sommes accueillis par Jean Pierre
CURCHOD, ancien directeur de l'Ecole d'Horlogerie et autorité du Poinçon
de Genève, et amoureux des horloges anciennes et de leur restauration,
activité à laquelle il consacre une part de son temps. Il veille
par ailleurs en sa qualité de directeur sur la section genevoise du
célèbre organisme de certification des chronomètres -
l'un des 3 bureaux de mesure de l'association d'utilité publique, les
2 autres étant à Bienne et au Locle (le bureau central est à
La Chaux de Fonds).
Vous ne verrez pas de photos des
lieux et n'apprendrez pas énormément de choses sur cette visite.
Monsieur CURCHOD sait vous suggérer avec une simplicité et un
humour désarmants que le COSC tient à ménager une forme
de discrétion sur certaines informations ou sur certains procédés
ce que l'on peut aisément comprendre. Je m'efforcerai donc de respecter
cet esprit. Pas d'anecdotes sulfureuses pour autant : le COSC est un organisme
officiel et indépendant qui effectue, avec des moyens modernes et à
l'aide de machines numériques et de procédures d'évaluation
et de contrôle très strictes qui nous sont longuement présentées,
de nombreuses mesures visant à conférer à un mouvement
donné une certification de chronomètre certification
qu'il conservera à jamais indépendamment de son boîtier.
Ceci tranche sur une question déjà plusieurs fois débattue
: non ce ne sont pas les montres qui sont testées mais bien les mouvements
nus habillés obligatoirement pour la circonstance d'une aiguille des
secondes qui permettra d'effectuer la mesure. Pas de chronométrie donc
pour les mouvements sans lecture de la seconde. Lorsqu'on voit la nécessaire
automatisation d'un grand nombre de procédures de contrôle on
comprend mieux pourquoi : impossible d'adapter une foule de réceptacles
pour tous les boîtiers présents sur le marché. La perte
de temps et l'investissement nécessaires seraient considérables.
Par ailleurs la mesure sur une montre complète serait finalement sans
grande conséquence sur les objectifs de l'opération : qu'il
s'agisse d'un mouvement ou d'une montre, le COSC ne peut en rien assurer les
différentes étapes qui s'écouleront entre la sortie de
l'objet mesuré et l'achat par le particulier. Ces étapes sont
naturellement susceptibles d'amener au dérèglement un mouvement
qui a rempli les conditions de certification. Le COSC est donc finalement
un organisme permettant avant tout de tester principalement la régularité
d'un mouvement pour le compte d'un fabricant et non d'un client acquéreur
final. En l'occurrence, l'organisme exigera pour toute demande de certification
que la requête soit soumise par un fabricant uniquement. Bref, et à
moins que vous n'ayez vous même réalisé le mouvement que
vous voulez "tester", le COSC vous demandera de passer par l'entremise
de la maison qui l'a créé. Cela étant dit, les demandes
individuelles de certification peuvent être prises en compte pourvu
qu'elles respectent ce circuit.
Oui, oui pensez à Breitling qui certifie toute sa production et produit aussi des machins électroniques. Qu'on ne s'y trompe pas : les exigences sont considérablement supérieures à celles portées sur les mouvements mécaniques et nécessitent l'emploi de quartz à hautes fréquences. La merveille à 50 balles acquise sur le marché dimanche dernier ne sera pas suffisamment précise pour satisfaire aux normes, pas la peine de la présenter. Par ailleurs la résistance de ces mouvements est également testée en les soumettant à de très nombreuses accélérations de 100 G simulant les chocs de la vie quotidienne. A la différence des mouvements mécaniques, les mouvements à quartz sont testés par échantillonnage.
Les laboratoires disposent bien entendu
des chambres nécessaires à la mise en température des
mouvements pour les mesures de tenue aux écarts. L'hygrométrie
et la pression sont contrôlées partout ainsi que le taux d'empoussièrement.
Une panne de climatiseur, à moins qu'elle ne se produise un jour où
les conditions météorologiques permettent aux locaux de se maintenir
naturellement dans les limites normées, peut être rapidement
catastrophique et bloquer toute la "production".
Je
ne pense pas trahir un grand secret en disant qu'une célèbre
maison qui met des "loupes" sur certains de ses verres occupe une
assez large part dans les mesures effectuées en ces lieux. Mais le
COSC en général n'en traite pas moins les produits de 150 déclarants
différents provenant de 12 pays, soit près d'un million de mouvements
par an pour les 3 laboratoires. Cependant près de 90% des titres sont
décernés à 5 marques suisses.
Retour à la bétaillère. Nous nous rendons dans la vieille
ville de Genève pour déjeuner aux "Armures" où
nous attend une succulente fondue au fromage. Mes contraintes diététiques
largement foulées aux pieds depuis la veille (notre cher webmaster
Alain comprendra ma détresse) m'ordonnent de me rabattre sur une salade
mais je picorerai quand même quelques morceaux dans le caquelon de Joël
de Toulouse qui supporte stoïquement ma désinvolture.
Nous retrouvons en ces lieux plusieurs
rencontres de la veille, venues conclure dignement avec nous ce très
enrichissant week end. M. CURCHOD nous accompagne. Nous rejoignons également
le Professeur Marcel GOLAY (pas de liens directs avec Christophe) qui dirigea
longtemps l'Observatoire de Genève ce qui l' a confronté à
de nombreuses et croustillantes situations qu'il nous narre avec un sourire
plein de malice. Les anecdotes qui retracent le coup de pied dans la fourmilière
auquel il se livra en prenant ses fonctions et en bousculant les habitudes
sacrées et inamovibles de la corporation des intouchables régleurs
de chronomètres, les scènes délectables qu'il décrit
lorsqu'il se décida à mettre un terme aux combats de plaideurs
que les grandes et prestigieuses maisons se livraient et cherchaient à
perpétuer par son entremise ce qui ne lui attira pas que des
sympathies au sein des directions des grandes manufactures, l'odieux et impensable
blasphème que constitua l'attribution en 1968 du premier prix de chronométrie
à un mouvement
japonais (horreur !) sont autant de délicieuses
mignardises que nous dégustons voluptueusement avec notre café
!
C'est aussi l'occasion fixée
avec Christophe et Emile pour remettre officiellement au Professeur GOLAY
la montre à équation du temps / temps sidéral à
cadran blanc présentée il y a quelque temps sur ce site et lors
d'un récent dîner horloger, puisqu'il en était l'heureux
acquéreur !
La complication originale de Golay et Spierer est remise au Professeur Golay
A propos de montre Emile se lève soudain : on a complètement oublié l'heure ! Le train pour Paris part dans 15 minutes !!! Panique à Genève. Tout le monde court pour récupérer ses affaires. On prend congé de tous et l'on ne dispose hélas que de quelques instants pour évoquer les moments inoubliables que l'on vient de passer ensemble. Patrice et Annick restent en Suisse. Ils vont poursuivre leur voyage pour rendre visite à Vincent CALABRESE et ramener la superbe pièce que Patrice a présentée sur le forum.
On court à la "bétaillère" dont nous regretterons
les petites banquettes et les embardées et coups de freins qui nous
auront deux jours durant si souvent projetés les uns contre les autres,
et on arrive à la gare à l'heure du départ du train
pour nous rendre heureusement compte que Emile s'est trompé et qu'il
nous reste une vingtaine de minutes. Ouf. Nous prenons congé de nos
hôtes et des amis qui les ont gentiment accompagnés pour la circonstance.
Nous retraversons les douanes le cur triste de quitter nos amis - Emile
et Christophe et ceux que nous nous sommes faits là bas - et de laisser
derrière nous les merveilleux moments qu'ils nous ont si généreusement
offerts. C'est promis. Nous sommes prêts. Nous retournerons à
Genève. Merci à vous. Merci
Merci encore !
Texte et photos par Kfir. Mars 2003.