Lire l'Heure (un coeur parfois se trompe)
par Dominique P
Apprendre à lire l'heure
Lorsque je regarde toutes les montres que je possède depuis le jour où l'âge m'a autorisé à signer mon premier chèque, je me demande à quoi sert l'horlogerie. Ce n'est certainement uniquement à donner l'heure. Dans ce cas des centaines de générations n'auraient pu vivre puisque ni les montres ni les horloges n'existaient. Et puis de nos jours, l'heure est partout:sur un ordinateur, une mairie (où les horloges ont fait leur apparition pour ne pas laisser le monopole du temps à l'église), à la radio (où elle constitue parfois l'essentiel du programme...) voire à la montre à quartz au poignet du passant à qui on la demande... Alors à quoi sert l'horlogerie ?
Et j'en viens à me dire que c'est une forme d'art. Elle ne sert à rien mais elle est essentielle, c'est un concentré du génie humain. D'une certaine façon, l'horlogerie est proche de la littérature. Tous les livres sont différents, ils nous en disent autant sur nous-mêmes que sur ceux qui les ont écrits et lorsqu'on les aime on ne peut pas se contenter de n'en relire qu'un seul, indéfiniment et qu'il nous faut en trouver d'autres, toujours et encore. Un livre en appelle un autre, une montre en appelle une autre. "Notre besoin de consolation est impossible à rassasier", pour reprendre le titre d'un livre, mais pour ceux qui les aime les montres y contribuent...
Nous devrions d'ailleurs pouvoir trouver quelques correspondances en les montres et les livres que nous aimons (même si les montres ont un avantage considérable sur les livres et tiennent moins de place, mais elles ont un inconvénient, elles coûtent plus cher et on ne peut pas les emprunter car dans ce cas le mot devient synonyme de vol...):
***
Un coeur parfois trompe et se désabonne.
Qui veille a raison. Dieu, ce grand Bréguet,
fit la confiance, et, la trouvant bonne,
l' améliora par un peu de guet.
Tu serais marmotte ou l' un des quarante
que tu ne pourrais dormir mieux que ça
pendant que Rosa sourit à Mérante,
pendant que Mérante embrasse Rosa.Chansons des rues et des bois / Victor Hugo
Joseph observait Max autant que Max observait Joseph. Max était mis comme les jeunes gens élégants se mettaient alors ; car il se faisait habiller à Paris. Un pantalon de drap bleu de ciel, à gros plis très-amples, faisait valoir ses pieds en ne laissant voir que le bout de sa botte ornée d'éperons. Sa taille était pincée par son gilet blanc à boutons d'or façonnés, et lacé par derrière pour lui servir de ceinture. Ce gilet boutonné jusqu'au col dessinait bien sa large poitrine, et son col en satin noir l'obligeait à tenir la tête haute, à la façon des militaires. Il portait un petit habit noir très-bien coupé. Une jolie chaîne d'or pendait de la poche de son gilet, où paraissait à peine une montre plate. Il jouait avec cette clef dite à criquet, que Breguet venait d'inventer.
- Ce garçon est très-bien, se dit Joseph en admirant comme peintre la figure vive, l'air de force et les yeux gris spirituels que Max tenait de son père le gentilhomme. Mon oncle doit être bien embêtant, cette belle fille a cherché des compensations, et ils font ménage à trois. Ça se voit !Balzac, Honoré de
Titre(s) : Etudes de moeurs 2e livre. Scènes de la vie de province. T. 2. Les célibataires : un ménage de garçon / [Balzac]
Titre d'ensemble : Oeuvres complètes de M. de Balzac, La comédie humaine ; 6, 1 ; 2 ; 2
Vous devez avoir faim, mon cousin, dit Eugénie ; mettez-vous à table.
- Mais je ne déjeune jamais avant midi, le moment où je me lève. Cependant, j'ai si mal vécu en route, que je me laisserai faire. D'ailleurs... Il tira la plus délicieuse montre plate que Breguet ait faite. Tiens, mais il est onze heures, j'ai été matinal.
- Matinal ?... dit madame Grandet.
- Oui, mais je voulais ranger mes affaires. Eh ! bien, je mangerais volontiers quelque chose, un rien, une volaille, un perdreau.
- Sainte Vierge ! cria Nanon en entendant ces paroles.
- Un perdreau, se disait Eugénie qui aurai voulu payer un perdreau de tout son pécule.
- Venez vous asseoir, lui dit sa tante.
Le dandy se laissa aller sur le fauteuil comme une jolie femme qui se pose sur son divan. Eugénie et sa mère prirent des chaises et se mirent près de lui devant le feu.Etudes de moeurs [Document électronique]. 2e livre. Scènes de la vie de province. T. 1. Eugénie Grandet / [Balzac]
Là, le marchand de Leipsick rencontre le négociant d' Amsterdam auquel il avait assigné ce rendez-vous six mois d'avance ; là, se réunissent ces joueurs heureux qui n' avaient pas de quoi dîner la veille, et qui vont ce jour-là dépenser
40 francs aux frères provençaux ; là, se retrouvent ces frères d' armes, compagnons inséparables de gloire et de plaisirs ; concitoyens de Marseille, de Bordeaux, de Toulouse, que trahit leur accent méridional. Dans la foule qui circule autour de moi, je remarque ce jeune étourdi qui poursuit un brocanteur pour lui donner à moitié prix la montre de Breguet qu' une série de rouges lui a fait acheter la veille, et qu' une intermittence le force à revendre le lendemain ; j' écoute en riant ce que raconte à son compatriote ce gros bourgeois de Montfort-L' Amaury. " il avait quelques emplettes à faire ; il est entré sous les galeries dans un magasin de nouveautés : dix jeunes filles de boutique, charmantes, étaient rangées autour du
comptoir ; à chaque article qu' il demandait, une de ces demoiselles lui répondait avec un sourire : nous ne tenons pas cela ; et il est sorti sans deviner ce que l' on pouvait vendre dans une boutique où il n' y avait rien. " l' heure du dîner était venue ; j' entrai chez Naudet ; et lorsque je redescendis pour continuer mes observations, je ne tardai pas à m' apercevoir
que celles qui me restaient à faire au palais-royal n' étaient point de ma compétence, et qu' il y a dans certains tableaux une partie qu' il faut laisser dans l' ombre.[L']hermite de la Chaussée-d'Antin ou Observations sur les moeurs et les usages parisiens au commencement du XIXe siècle.
Eugène tout abasourdi regardait son voisin d'un air hébété. Ce duel, annoncé par Vautrin pour le lendemain, contrastait si violemment avec la réalisation de ses plus chères espérances, qu'il éprouvait toutes les sensations du cauchemar. Il se tourna vers la cheminée, y aperçut la petite boîte carrée, l'ouvrit, et trouva dedans un papier qui couvrait une montre de Bréguet. Sur ce papier étaient écrits ces mots: " Je veux que vous pensiez à moi à toute heure, parce que...
DELPHINE "
Ce dernier mot faisait sans doute allusion à quelque scène qui avait eu lieu entre eux. Eugène en fut attendri. Ses armes étaient intérieurement émaillées dans l'or de la boîte. Ce bijou si longtemps envié, la chaîne, la clef, la façon, les dessins répondaient à tous ses voeux. Le père Goriot était radieux. Il avait sans doute promis à sa fille de lui rapporter les moindres effets de la surprise que causerait son présent à Eugène, car il était en tiers dans ces jeunes émotions et ne paraissait pas le moins heureux. Il aimait déjà Rastignac et pour sa fille et pour lui-même.
- Vous irez la voir ce soir, elle vous attend. La grosse souche d'Alsacien soupe chez sa danseuse. Ah! ah! il a été bien sot quand mon avoué lui a dit son fait. Ne prétend-il pas aimer ma fille à l'adoration? qu'il y touche et je le tue. L'idée de savoir ma Delphine à... (il soupira) me ferait commettre un crime; mais ce ne serait pas un homicide, c'est une tête de veau sur un corps de porc. Vous me prendrez avec vous, n'est-ce pas ?[Le] père Goriot / H. de Balzac ;
Je déposai sur la route une vingtaine de francs, mon tabac, ma pipe et mon mouchoir. " qu' est cela ? Demanda le grand inquisiteur.
-un mouchoir.
-pourquoi faire ?
-pour me moucher.
-pourquoi m' as-tu dit que tu étais pauvre ? Il n' y a que les milords qui se mouchent dans des mouchoirs. ôte la boîte que tu as derrière le dos. Bien ! Ouvre-la. "
ma boîte contenait quelques plantes, un livre, un couteau, un petit paquet d' arsenic, une gourde presque vide, et les restes de mon déjeuner qui allumèrent un regard de convoitise dans les yeux de Mme Simons. J' eus la hardiesse de les lui offrir avant que mon bagage changeât de maître. Elle accepta gloutonnement et se mit à dévorer le pain et la viande. à mon grand étonnement, cet acte de gourmandise scandalisa nos voleurs, qui murmurèrent entre eux le mot de schismatique ! le moine fit une demi-douzaine de signes de croix suivant le rite de l' église grecque. " tu dois avoir une montre, me dit le brigand ; mets-la avec le reste. " je livrai ma montre d' argent, un bijou héréditaire du poids de quatre onces. Les scélérats se la passèrent de main en main, et la trouvèrent fort belle. J' espérais que l' admiration, qui rend l' homme meilleur, les disposerait à me restituer quelque chose, et je priai leur chef de me laisser ma boîte de fer-blanc. Il m' imposa rudement silence. " du moins, lui dis-je, rends-moi deux écus pour retourner à la ville ! " il répondit avec un rire sardonique : " tu n' en auras pas besoin. " Ils étalèrent le butin qu' ils avaient fait, et ma montre d' argent obtint encore un succès qui flatta mon amour-propre. La savonnette d' or de Mary-Ann fut moins remarquée. Dans cette première entrevue, la considération publique tomba sur ma montre, et il en rejaillit quelque chose sur moi. Aux yeux de ces hommes simples, le possesseur d' une pièce si importante ne pouvait être moins qu' un milord. La curiosité des brigands était agaçante, mais non pas insolente. Aucun d' eux ne faisait mine de nous traiter en pays conquis. Ils savaient que nous étions dans leurs mains et qu' ils nous échangeraient tôt ou tard contre un certain nombre de pièces d' or ; mais ils ne songeaient pas à se prévaloir de cette circonstance pour nous malmener ou nous manquer de respect. Le bon sens, ce génie impérissable du peuple grec, leur montrait en nous les représentants d' une race différente, et, jusqu' à un certain point, supérieure. La barbarie victorieuse rendait un secret hommage à la civilisation vaincue.[Le] roi des montagnes / par Edmond About
. L'Horloge
Les Chinois voient l'heure dans l'oeil des chats.
Un jour un missionnaire, se promenant dans la banlieue de Nankin, s'aperçut qu'il avait oublié sa montre, et demanda à un petit garçon quelle heure il était.
Le gamin du céleste Empire hésita d'abord; puis, se ravisant, il répondit: "Je vais vous le dire." Peu d'instants après, il reparut, tenant dans ses bras un fort gros chat, et le regardant, comme on dit, dans le blanc des yeux, il affirma sans hésiter: "Il n'est pas encore tout à fait midi." Ce qui était vrai.
Pour moi, si je me penche vers la belle Féline, la si bien nommée, qui est à la fois l'honneur de son sexe, l'orgueil de mon coeur et le parfum de mon esprit, que ce soit la nuit, que ce soit le jour, dans la pleine lumière ou dans l'ombre opaque, au fond de ses yeux adorables je vois toujours l'heure distinctement, toujours la même, une heure vaste, solennelle, grande comme l'espace, sans divisions de minutes ni de secondes, - une heure immobile qui n'est pas marquée sur les horloges, et cependant légère comme un soupir, rapide comme un coup d'oeil.
Et si quelque importun venait me déranger pendant que mon regard repose sur ce délicieux cadran, si quelque Génie malhonnête et intolérant, quelque Démon du contretemps venait me dire: "Que regardes-tu là avec tant de soin? Que cherches-tu dans les yeux de cet être? Y vois-tu l'heure, mortel prodigue et fainéant?" je répondrais sans hésiter: "Oui, je vois l'heure; il est l'Eternité!"
N'est-ce pas, madame, que voici un madrigal vraiment méritoire, et aussi emphatique que vous-même? En vérité, j'ai eu tant de plaisir à broder cette prétentieuse galanterie, que je ne vous demanderai rien en échange.Petits poèmes en prose: (Le spleen de Paris) / Charles Baudelaire
Dix heures sonnaient à l'horloge du château : mon père s'arrêtait ; le même ressort, qui avait soulevé le marteau de l'horloge, semblait avoir suspendu ses pas. Il tirait sa montre, la montait, prenait un grand flambeau d'argent surmonté d'une grande bougie, entrait un moment dans la petite tour de l'ouest, puis revenait, son flambeau à la main, et s'avançait vers sa chambre à coucher, dépendante de la petite tour de l'est. Lucile et moi, nous nous tenions sur son passage ; nous l'embrassions en lui souhaitant une bonne nuit. Il penchait vers nous sa joue sèche et creuse sans nous répondre, continuait sa route et se retirait au fond de la tour, dont nous entendions les portes se refermer sur lui.
Mémoires d'Outre-tombe / Chateaubriand
ma chère enfant, dit Prudence, vous êtes vraiment trop méchante avec lui, lui qui est si bon et si prévenant pour vous. Voilà encore sur votre cheminée une montre qu' il vous a donnée, et qui lui a coûté au moins mille écus, j' en suis sûre.
Et Madame Duvernoy, qui s' était approchée de la cheminée, jouait avec le bijou dont elle parlait, et jetait dessus des regards de convoitise.
-ma chère, dit Marguerite en s' asseyant à son piano quand je pèse d' un côté ce qu' il me donne et de l' autre ce qu' il me dit, je trouve que je lui passe ses visites bon marché. -ce pauvre garçon est amoureux de vous.
-s' il fallait que j' écoutasse tous ceux qui sont amoureux de moi, je n' aurais seulement pas le temps de dîner.Dumas, Alexandre - 1824-1895 Titre(s) : [La] dame aux camélias
Mais, lorsqu'on est si pauvre, on ne met pas d'argent à la crosse de son fusil! On n'achète pas une pendule avec des incrustations d'écaille! continuait-elle en montrant l'horloge de Boulle; ni des sifflets de vermeil pour ses fouets - elle les touchait! - ni des breloques pour sa montre! Oh! rien ne lui manque! Jusqu'à un porte-liqueurs dans sa chambre; car tu t'aimes, tu vis bien, tu as un château, des fermes, des bois; tu chasses à courre, tu voyages à Paris... Eh! quand ce ne serait que cela, s'écria-t-elle en prenant sur la cheminée ses boutons de manchettes, que la moindre de ces niaiseries! on en peut faire de l'argent !...
Madame Bovary: moeurs de province / Flaubert
Cependant le capitaine du navire, sa montre marine à la main, et épiant en silence à l' occident la seconde précise où le disque du soleil, refracté de la moitié de son disque, semble toucher la vague et y flotter un moment avant d' y être submergé entier, élève la voix, et dit : messieurs, la prière ! toutes les conversations cessent, tous les jeux finissent, les matelots jettent à la mer leur cigare encore enflammé, ils ôtent leurs bonnets grecs de laine rouge, les tiennent à la main, et viennent s' agenouiller entre les deux mâts. Le plus jeune d' entre eux ouvre le livre de prières et chante l' ave, maris stella , et les litanies sur un mode tendre, plaintif et grave, qui semble avoir été inspiré au milieu de la mer et de cette mélancolie inquiète des dernières heures du jour, où tous les souvenirs de la terre, de la chaumière, du foyer, remontent du coeur dans la pensée de ces hommes simples. Les ténèbres vont redescendre sur les flots, et engloutir jusqu' au matin, dans leur obscurité dangereuse, la route des navigateurs, et les vies de tant d' êtres
Souvenirs, impressions, pensées et paysages pendant un voyage en Orient, 1832-1833, ou Note d'un voyageur / par A. de Lamartine
Le chevalier de Sennecey, pour vivre à Londres pendant une longue émigration de douze ans, avait appris l'état de bijoutier et d'horloger. Il y avait ajouté l'état de tourneur, afin de faire lui-même les boîtes, les tabatières, les écrins, les étuis des portraits qu'il montait, des montres qu'il fabriquait. IL était adroit et patient comme un homme qui, ayant perdu la faculté de se servir de tous ses membres, concentre dans ceux qui lui restent tout ce qu'il a d'activité et d'énergie. Son travail l'avait largement soutenu à Londres, et il avait même soutenu, du seul travail de ses mains, plusieurs de ses compagnons d'infortune doués de moins de talent et de moins de bonheur que lui. Depuis qu'il était rentré en France, rappelé par cet attrait irréfléchi du pays qui devient malaise chez le Français, et qui ne lui permet presque jamais de jouir de son bien-être sous un autre ciel, le chevalier de Sennecey avait continué son état. Mais il l'exerçait gratuitement pour les soeurs de l'hôpital, pour les malades, pour ses amis et ses connaissances dans la ville, qui empruntaient ses talents d'horloger ou de bijoutier. Il passait sa journée entière à démonter, à remonter des pendules, des montres, à encadrer des miniatures, à tourner en métal ou ivoire des ornements ou des parures de femmes. Il prenait son métier au sérieux, bien que ce métier ne fût plus pour lui qu'un divertissement ; il allégeait sa solitude. De temps en temps, un vieux camarade d'émigration ou de régiment venait charitablement passer une heure avec lui, pour causer de l'armée de Condé, du comte d'Artois, du duc d'Enghien, ou du prince régent d'Angleterre, la providence des émigrés. L'attrait que j'éprouvais pour cet excellent homme, le sentiment des heures de distraction que ma présence et ma conversation lui donnaient, et enfin le désoeuvrement qui met les pas de demain sur ceux d'hier, me ramenaient régulièrement tous les jours à l'hôpital. à force de voir limer la lime, serrer l'écrou, tourner le tour, pivoter le poinçon, grincer la scie d'acier, je voulus travailler aussi moi-même. Le chevalier m'enseigna l'horlogerie et le tour. Je maniais ses outils sous sa direction, je préparais, je dégrossissais le bois ou le cuivre ; il y donnait le dernier fini. Nos conversations, bientôt taries une fois qu'il m'eut dévidé l'écheveau de ses souvenirs un peu monotones, se soutenaient ainsi à peu de frais, grâce à notre commune occupation. On n'entendait dans sa chambre que le bruit uniforme de la corde à boyau qui sifflait sur la poulie du tour, le frottement de la râpe ou du polissoir sur le bois, les coups réguliers du petit marteau d'acier sur l'or ou sur l'argent concave des boîtes de montres, quelques mots rares et courts échangés entre nous, ou le chant à demi-voix de l'homme qui distrait son oreille en se servant de ses mains. Notre atelier, au midi, éclairé d'une large fenêtre à balcon, était inondé de lumière et retentissait d'un murmure de vie. Ce travail, ce murmure, cette lumière, cette monotonie occupée, ce pauvre infirme soulageant ses maux et abrégeant ainsi sa journée par la fatigue, m'apaisaient et m'assoupissaient à moi-même mon propre ennui.
Oeuvres de Lamartine, Nouvelles confidences / par A. de Lamartine
C' était à Nantes, avec une chanteuse. Un soir, revenant de la mer, il était entré un peu gris dans un Alcazar. Il y avait à la porte une femme qui vendait des bouquets énormes au prix d' un louis de vingt francs. Il en avait acheté un, sans trop savoir qu' en faire, et puis tout de suite en arrivant, il l' avait lancé à tour de bras, en plein par la figure, à celle qui chantait sur la scène, - moitié déclaration brusque, moitié ironie pour cette poupée peinte qu' il trouvait par trop rose. La femme était tombée du coup ; après, elle l' avait adoré pendant près de trois semaines. -même, dit-il, quand je suis parti, elle m' a fait cadeau de cette montre en or. Et, pour la leur faire voir, il la jetait sur la table comme un méprisable joujou. C' était conté avec des mots rudes et des images à lui. Cependant cette banalité de la vie civilisée détonnait beaucoup au milieu de ces hommes primitifs, avec ces grands silences de la mer qu' on devinait autour d' eux ; avec cette lueur de minuit, entrevue par en haut, qui avait apporté la notion des étés mourants du pôle.
Pêcheur d'Islande / par Pierre Loti
Alors une frayeur me vint,
et je lui dis, pour voir :
-Yves, prête-moi aussi ta montre, je te prie ; j' ai
laissé la mienne en gage.
Il se troubla beaucoup, racontant qu' elle était
cassée. J' avais deviné juste : pour avoir ces cent
francs, il venait de la vendre avec la chaîne, moitié
de son prix, à un quartier-maître du bord.
Mon frère Yves / par Pierre Loti
Le marchand est le tyran du fabricant. Il lui rend
toutes les tracasseries, les vexations de l' acheteur.
Or, l' acheteur, dans l' état de nos murs, c' est l' homme
qui veut acheter pour rien, c' est le pauvre qui veut
trancher du riche, c' est l' enrichi
d' hier qui tire à grand' peine de sa poche un argent
qui vient d' y entrer. Ils exigent deux choses, la
qualité brillante, et le prix le plus vil ; la bonté
de l' objet est secondaire. Qui veut mettre le prix à
une bonne montre ? Personne. Les riches même ne
veulent autre chose qu' une belle montre à bon marché.
Il faut que le marchand trompe ces gens-là, ou qu' il
périsse. Toute sa vie se compose de deux guerres,
guerre de tromperie et de ruse contre cet acheteur
déraisonnable, guerre de vexations et d' exigence
contre le fabricant. Mobile, inquiet, minutieux, il
lui rend jour par jour les plus absurdes caprices de
son maître, le public, le tire à droite, à gauche,
change à chaque instant sa direction, l' empêche de
suivre aucune idée, et rend presque impossible, dans
plusieurs genres, la grande invention.
Le point capital pour le marchand, c' est que le
fabricant l' aîde à tromper l' acheteur, qu' il entre
dans les petites fraudes, qu' il ne recule pas devant
les grandes.
[Le] peuple / Jules Michelet
Les ouvriers retournaient à leurs travaux; le jeune apprenti resta seul, rêvant à cette scène, résultat d'un hasard si simple. Cependant la dame avait passé dans une arrière salle, où sa servante l'aidait à se débarrasser de ses vêtements de voyage. Elle en sortit quelques minutes après. "Tiennette m'a dit que vous étiez un garçon très honnête... et très discret, ajouta-t-elle en faisant allusion sans doute à ce qui s'était passé dans le cabinet de M. Parangon. Voici un objet qui vous sera utile dans vos travaux.". Et elle lui donna une montre d'argent.
De ce moment, Nicolas fut très respecté dans l'atelier et dispensé des ouvrages les plus rebutants. Son goût pour l'étude, son éloignement des dissipations et de la débauche, où tombaient plusieurs de ses camarades, augmentèrent l'estime que faisait de lui Mme Parangon, qui aimait à s'entretenir avec le jeune apprenti, et l'interrogeait souvent sur ses lectures. Les romans de Mme de Villedieu, et même la Princesse de Clèves ne lui paraissaient pas d'un enseignement bien solide. - Mais je lis aussi Térence, dit Nicolas, et même j'en ai commencé une traduction. - Ah! lisez-moi cela! dit Mme Parangon. Il alla chercher son cahier et lut une partie de l'Adrienne. Le feu qu'il mettait dans son débit, surtout dans les passages où Pamphile exprime son amour pour la belle esclave donna l'idée a Mme Parangon de lui faire lire Zaïre, qu'elle avait vu représenter à Paris. Elle suivait des yeux le texte et indiquait de temps en temps les intonations usitées par les acteurs de la Comédie Française; mais bientôt elle se prit à préférer tout à fait le débit naturel et simple du jeune homme elle avait appuyé son bras sur le dossier de la chaise où il était assis, et ce bras, dont il sentait la douce chaleur sur son épaule, communiquait à sa voix le timbre sonore et tremblotant de l'émotion.
Quelle heure est-il?
Je n'avais pas de montre.
Au milieu de toutes les splendeurs de bric-à-brac qu'il était d'usage de réunir à cette époque pour restaurer dans sa couleur locale un appartement d'autrefois, brillait d'un éclat rafraîchi une de ces pendules d'écaille de la Renaissance, dont le dôme doré surmonté de la figure du Temps est supporté par des cariatides du style Médicis, reposant à leur tour sur des chevaux à demi cabrés. La Diane historique, accoudée sur son cerf, est en bas-relief sous le cadran, où s'étalent sur un fond niellé les chiffres émaillés des heures. Le mouvement, excellent sans doute, n'avait pas été remonté depuis deux siècles. - Ce n'était pas pour savoir l'heure que j'avais acheté cette pendule en Touraine.
Je descendis chez le concierge. Son coucou marquait une heure du matin. - En quatre heures, me dis-je, je puis arriver au bal de Loisy. Il y avait encore sur la place du Palais-Royal cinq ou six fiacre stationnant pour les habitués des cercles et des maisons de jeu: - A Loisy! dis-je au plus apparent. - Où cela est-il? - Près de Senlis, à huit lieues. - Je vais vous conduire à la poste, dit le cocher, moins préoccupé que moi.Oeuvres / Gérard de Nerval
Petits châteaux de Bohême
Au cimetière du Père-Lachaise, un monsieur fort obligeant, et encore plus libéral dans ses propos, s'offrit pour indiquer à Julien le tombeau du maréchal Ney, qu'une politique savante prive de l'honneur d'une épitaphe. Mais en se séparant de ce libéral, qui, les larmes aux yeux, le serrait presque dans ses bras, Julien n'avait plus de montre.[Le] Rouge et le Noir: chronique de XIXe siècle / Stendhal
L'inventaire des objets possédés par ces naufragés de l'air, jetés sur une côte qui paraissait être inhabitée, sera promptement établi. Ils n'avaient rien, sauf les habits qu'ils portaient au moment de la catastrophe. Il faut cependant
mentionner un carnet et une montre que Gédéon Spilett avait conservée par mégarde sans doute, mais pas une arme, pas un outil, pas même un couteau de poche. Les passagers de la nacelle avaient tout jeté au dehors pour alléger l'aérostat.Et il montra l'appareil qui lui avait servi de lentille. C'étaient tout simplement les deux verres qu'il avait enlevés à la montre du reporter et à la sienne. Après les avoir remplis d'eau et rendu leurs bords adhérents au moyen d'un peu de glaise, il
s'était ainsi fabriqué une véritable lentille, qui, concentrant les rayons solaires sur une mousse bien sèche, en avait déterminé la combustion.Pencroff pensa qu'il était l'heure de déjeuner, et, à ce propos, il fut question de régler les deux montres de Cyrus Smith et du reporter. On sait que celle de Gédéon Spilett avait été respectée par l'eau de mer, puisque le reporter avait été jeté tout d'abord sur le sable, hors de l'atteinte des lames. C'était un instrument établi dans des conditions excellentes, un véritable chronomètre de poche, que Gédéon Spilett n'avait jamais oublié de remonter soigneusement chaque jour.
Quant à la montre de l'ingénieur, elle s'était nécessairement arrêtée pendant le temps que Cyrus Smith avait passé dans les dunes. L'ingénieur la remonta donc, et, estimant approximativement par la hauteur du soleil qu'il devait être environ neuf heures du matin, il mit sa montre à cette heure. Gédéon Spilett allait l'imiter, quand l'ingénieur, l'arrêtant de la main, lui dit :
"Non, mon cher Spilett, attendez. Vous avez conservé l'heure de Richmond, n'est-ce pas ?
- Oui, Cyrus.
- Par conséquent, votre montre est réglée sur le méridien de cette ville, méridien qui est à peu près celui de Washington ?
- Sans doute.
- Eh bien, conservez-la ainsi. Contentez-vous de la remonter très-exactement, mais ne touchez pas aux aiguilles. Cela pourra nous servir.
- à quoi bon ?" pensa le marin.[L']île mystérieuse / Jules Verne
Quelle heure avez-vous ?
-onze heures vingt-deux, répondit Passepartout, en tirant des profondeurs de son gousset une énorme montre d' argent.
-vous retardez, dit Mr Fogg.
-que monsieur me pardonne, mais c' est impossible.
-vous retardez de quatre minutes. N' importe. Il suffit de constater l' écart. Donc, à partir de ce moment, onze heures vingt-neuf du matin, ce mercredi 2 octobre 1872, vous êtes à mon service. "Passepartout tira sa grosse montre. " midi, dit-il. Allons donc ! Il est neuf heures cinquante-deux minutes !
-votre montre retarde, répondit Fix.
-ma montre ! Une montre de famille, qui vient de mon arrière-grand-père ! Elle ne varie pas de cinq minutes par an. C' est un vrai chronomètre !
-je vois ce que c' est, répondit Fix. Vous avez gardé l' heure de Londres, qui retarde de deux heures environ sur Suez. Il faut avoir soin de remettre votre montre au midi de chaque pays.
-moi ! Toucher à ma montre ! S' écria Passepartout, jamais !
-eh bien, elle ne sera plus d' accord avec le soleil.
-tant pis pour le soleil, monsieur ! C' est lui qui aura tort ! "
et le brave garçon remit sa montre dans son gousset avec un geste superbe.le lendemain, Passepartout, éreinté, affamé, se dit qu' il fallait manger à tout prix, et que le plus tôt serait le mieux. Il avait bien cette ressource de vendre sa montre, mais il fût plutôt mort de faim. C' était alors le cas ou jamais, pour ce brave garçon, d' utiliser la voix forte, sinon mélodieuse, dont la nature l' avait gratifié. Il savait quelques refrains de France et d' Angleterre, et il résolut de les essayer. Les japonais devaient certainement être amateurs de musique, puisque tout se fait chez eux aux sons des cymbales, du tam-tam et des tambours, et ils ne pouvaient qu' apprécier les talents d' un virtuose européen.
Il arriva aussi que, ce 23 novembre, Passepartout éprouva une grande joie. On se rappelle que l' entêté s' était obstiné à garder l' heure de Londres à sa fameuse montre de famille, tenant pour fausses toutes les heures des pays qu' il traversait. Or, ce jour-là, bien qu' il ne l' eût jamais ni avancée ni retardée, sa montre se trouva d' accord avec les chronomètres du bord. Si Passepartout triompha, cela se comprend de reste. Il aurait bien voulu savoir ce que Fix aurait pu dire, s' il eût été présent. " ce coquin qui me racontait un tas d' histoires sur les méridiens, sur le soleil, sur la lune ! Répétait Passepartout. Hein ! Ces gens-là ! Si on les écoutait, on ferait de la belle horlogerie ! J' étais bien sûr qu' un jour ou l' autre, le soleil se déciderait à se régler sur ma montre ! ... "
Passepartout ignorait ceci : c' est que si le cadran de sa montre eût été divisé en vingt-quatre heures comme les horloges italiennes, il n' aurait eu aucun motif de triompher, car les aiguilles de son instrument, quand il était neuf heures du matin à bord, auraient indiqué neuf heures du soir, c' est-à-dire la vingt et unième heure depuis minuit, - différence précisément égale à celle qui existe entre Londres et le cent quatre-vingtième méridien. Mais si Fix avait été capable d' expliquer cet effet purement physique, Passepartout, sans doute, eût été incapable, sinon de le comprendre, du moins de l' admettre. Et en tout cas, si, par impossible, l' inspecteur de police se fût inopinément montré à bord en ce moment, il est probable que Passepartout, à bon droit rancunier, eût traité avec lui un sujet tout différent et d' une toute autre manière.Verne, Jules, Titre(s) : [Le] tour du monde en 80 jours / Jules Verne
L' étranger voulut consulter sa montre, mais cela ne laissa pas de prendre un temps long, car il ne la trouva qu' à sa neuvième poche. Ce curieux coléoptère jetait des lueurs par deux taches situées en avant de son corselet, et sa lumière assez vive eût permis de lire dans l' obscurité. Paganel, approchant l' insecte de sa
montre, put voir qu' elle marquait dix heures du soir.[Les] enfants du Capitaine Grant / Jules Verne
. Mêlant nos fumées, nous causâmes si longtemps, la belle baigneuse et moi, que nous nous trouvâmes presque seuls sur le quai. Je crus n'être point indiscret en lui offrant d'aller prendre des glaces à la neveria.
Après une hésitation modeste elle accepta ; mais avant de se décider elle désira savoir quelle heure il était. Je fis sonner ma montre, et cette sonnerie parut l'étonner beaucoup.
- Quelles inventions on a chez vous, messieurs les étrangers ! De quel pays êtes-vous, monsieur ? Anglais sans doute ?
- Français et votre grand serviteur. Et vous mademoiselle, ou madame, vous êtes probablement de Cordoue ?
- Non.
- Vous êtes du moins Andalouse. Il me semble le reconnaître à votre doux parler
- Si vous remarquez si bien l'accent du monde, vous devez bien deviner qui je suis.
- Je crois que vous êtes du pays de Jésus, à deux pas du paradis.
(J'avais appris cette métaphore, qui désigne l'Andalousie, de mon ami Francisco Sevilla, picador bien connu.)
- Bah ! le paradis... Les gens d'ici disent qu'il n'est pas fait pour nous.PROSPER MÉRIMÉE CARMEN
Maheu avait une montre qu'il ne regarda même pas. Au fond de cette nuit sans astres, jamais il ne se trompait de cinq minutes.
Maheu, sans regarder à sa montre laissée dans sa veste, s'arrêta et dit:
- Bientôt une heure... Zacharie, est-ce fait?Germinal / Emile Zola
Il vient d'enjamber, le premier, avec légèreté, un petit mur de pierres sèches, et la rivière brusquement apparue coule devant lui. L'instant est passé de rire.
Des reflets glacés miroitent sur l'eau enchantée.
Elle clapote comme des dents claquent et exhale une odeur fade.
Il s'agit d'entrer là-dedans, d'y séjourner et de s'y occuper, tandis que M. Lepic comptera sur sa montre le nombre de minutes réglementaire. Poil de Carotte frissonne. Une fois de plus son courage, qu'il excitait pour le faire durer, lui manque au bon moment, et la vue de l'eau, attirante de loin, le met en détresse.Jules Renard Poil de carotte
Elle dort
Et de toutes les heures du monde elle n'en pas gobé une seule
Tous les visages entrevus dans les gares
Toutes les horloges
L'heure de Paris l'heure de Berlin l'heure de Saint-Pétersbourg et l'heure de toutes les gares
Et à Oufa le visage ensanglanté du canonnier
Et le cadrant bêtement lumineux de Grodno
Et l'avance perpétuelle du train
Tous les matins on met les montres à l'heure
Le train avance et le soleil retarde
Rien n'y fait, j'entends les cloches sonores
Le gros bourdon de Notre-Dame
La cloche aigrelette du Louvre qui sonna la Saint-Bathelémy
Les carillons rouillés de Bruges-La-Morte
Les sonneries éléctriques de la bibliothèque de New-York
Les campagnes de Venise
Et les cloches de Moscou, l'horloge de la Porte-Rouge qui me comptait les heures quand j'étais dans un bureau
Et mes souvenirs
Le train tonne sur les plaques tournantes
Le train roule
Un gramphone grasseye une marche tzigane
Et le monde comme l'horloge du quartier juif de Prague
tourne éperdument à reboursBlaise Cendrars, le transsibérien
La montre
Deux fois je regarde ma montre,
Et deux fois à mes yeux distraits
L'aiguille au même endroit se montre ;
Il est une heure... une heure après.La figure de la pendule
En rit dans le salon voisin,
Et le timbre d'argent module
Deux coups vibrant comme un tocsin.Le cadran solaire me raille
En m'indiquant, de son long doigt,
Le chemin que sur la muraille
A fait son ombre qui s'accroît.Le clocher avec ironie
Dit le vrai chiffre et le beffroi,
Reprenant la note finie,
A l'air de se moquer de moi.Tiens ! la petite bête est morte.
Je n'ai pas mis hier encor,
Tant ma rêverie était forte,
Au trou de rubis la clef d'or !Et je ne vois plus, dans sa boîte,
Le fin ressort du balancier
Aller, venir, à gauche, à droite,
Ainsi qu'un papillon d'acier.C'est bien de moi ! Quand je chevauche
L'Hippogriffe, au pays du Bleu,
Mon corps sans âme se débauche,
Et s'en va comme il plaît à Dieu !L'éternité poursuit son cercle
Autour de ce cadran muet,
Et le temps, l'oreille au couvercle,
Cherche ce coeur qui remuait ;Ce coeur que l'enfant croit en vie,
Et dont chaque pulsation
Dans notre poitrine est suivie
D'une égale vibration,Il ne bat plus, mais son grand frère
Toujours palpite à mon côté.
- Celui que rien ne peut distraire,
Quand je dormais, l'a remonté !
(Emaux et Camées)
Théophile Gautier
La complainte des montres
Je suis, avec mon tic-tac grêle,
Vade-mecum rond et têtu,
Indispensable sentinelle,
Le sacré coeur d'or revêtu.Voici le soir,
Grince, musique
Hypertrophique
Des remontoirs.Partout, je veille dans vos poches,
Je trône en vos appartements,
Et fais valser éperdument
Sur les cités folles les cloches!Et puis le soir,
C'est la musique
Hypertrophique
Des remontoirs.Chacun aux foules que je mène,
Sent battre mon coeur sur son sein
Chaque maison m'a par dizaines,
Et je remplis des magasins.Partout, le soir,
C'est la musique
Hypertrophique
Des remontoirs.
Maisons, horloges, clochers, foules,
Milliards d'échos à mon appel
Scandé d'un tic-tac éternel
L'orchestre fou des choses roule.Et chaque soir,
C'est la musique
Hypertrophique
Des remontoirs !Allez coucous, réveils, pendules,
Bataillons d'insectes d'acier,
Jouez sans fin des mandibules
Dans un concert très-familier.Sûrs, chaque soir,
De la musique
Hypertrophique
Des remontoirs !Triturant bien l'heure en secondes
Par trois mil six cents coups de dents,
De leurs parts au gâteau du temps
Ne faites qu'un hachis immondeEt puis le soir,
Hop! la musique
Hypertrophique
Des remontoirs.Ah! plus d'heures? N'avoir pas d'âge?
Voir les saisons, les jours, les nuits
Flotter dans le halo sauvage
D'un vague éternel aujourd'hui!Voici le soir!
Grince, musique
Hypertrophique
Des remontoirs!Jules Laforgue
Maître Pastrini tira de son gousset une magnifique bréguet portant le nom de son auteur, le timbre de Paris et une couronne de comte.
A. DUMAS Père, Le Comte de Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 431.