Bâle 2001, deux jours à l'est
Par Alain RobillardBâle Express 2001
Par Joël de ToulouseBâle 2001, deux jours à l'est
par Alain Robillard
Dès notre arrivée à Bâle, nous avons été très aimablement reçus dans les salons de Jaeger-LeCoultre, où l'on nous présenté longuement l'ensemble des nouveautés de l'année.
Après les six reverso compliquées en or (répétition minute, tourbillon, chronographe rétrograde, quantième perpétuel, j'en passe et des meileures), Jaeger inaugure, pour les 70 ans du modèle, une nouvelle série de reversos en platine en édition limitée avec une magnifique reverso squelette qui sera produite à 500 exemplaires.
Pour rester dans le métal lourd, la collection des montres Master en platine avec fond bleue (série limitée encore) s'enrichit cette année d'une Master Ultrathin et d'une Master Grande Memovox QP... deux gabarits singulièrement différents.
La Master Géo sort en or gris avec fond à clapet, ainsi que la Master Moon, qui gagne au passage des indications de quantième et de mois en noir sur fond clair au lieu de rouge... Nous on préfère (et manifestement, chez JLC le débat continue).
A noter que JLC a arrêté la production du chronographe Master Mécha Quartz, qui devrait être à terme remplacé par un modèle automatique, mais pour l'instant, rien à l'horizon.
Pour finir avec la série Master, JLC sort sa QP en acier, cadran argent et fond transparent (enfin!, car jusqu'ici il n'était disponible qu'avec cadran noir). C'est mon petit coup coeur du salon, un QP très lisible et très sobre et dont le prix devrait rester relativement raisonnable (87 000 FF, prix catalogue).
Beaucoup de nouvelles reverso cette année. D'abord une version de la reverso grand sport automatique et du chrono grand sport sur l'inévitable bracelet en caoutchouc (beurk). Pour les surfeurs chics, la boucle déployante est dotée d'un réglage été/hiver.
Ensuite une version femme de la reverso grand sport sort cette année, un peu massive, mais très dans l'air du temps. Elle est apparemment dotée d'un nouveau mouvement automatique de faible dimension, et la boîte est étanche à 50m.
Côté femme, toujours, une très intéressante reverso duo-face, qui ressemble un peu à la duetto mais qui permet désormais d'avoir deux heures locales différentes de chaque côté (plus une indication jour/nuit). 37 000 FF. Jolie pièce, qui confirme que la reverso classique est devenue une alternative à la reverso lady.
Par ailleurs JLC a racheté un atelier spécialisé dans le sertissage, ce qui devrait nous valoir des exécutions joaillerie de quelques grand classiques de la marque. Cette année, une reverso lady a motif floral exotique... dite reverso tiaré.
Vue également une Master Ultrathin sertie, plus discrète.
En revanche la nouvelle reverso Duo-face en or gris vaut le détour. Côté face, un cadran noir avec chiffre floraux et indications jour/nuit dans un guichet façon reverso sun/moon. Côté pile, le cadran blanc guilloché de la Reverso Duo. Joli bestiole, mais 69 900 FF quand même...Pour finir, on nous a présenté une pièce impressionnante, une montre de poche reverso empierrée, fond émaillé, avec cadran nacre et indication de température. Splendide.
Après un bref passage chez Rolex (on vous le confirme, la Président en or Rose est affreuse, et le nouveau Daytona en acier n'a toujours pas de date; en revanche la gamme Tudor s'étoffe et se différencie de plus en plus de sa grande soeur), la visite continue par le stand Lange & Soehne, qui ne présente cette année qu'une seule nouveauté, la Langematik Quantième Perpétuel, en deux exécutions, Platine et Or.
La boîte est du même gabarit que la Lange 1, ce qui donne à la montre une allure un peu massive. Mais une fois passée au poignet, il faut bien avouer qu'elle ne paraît pas si grande, tout en restant assez lisible, du moins pour un QP.
Le mouvement est élaboré sur la base de celui de la Langematik, avec son micro rotor.
Comme chez JLC et IWC, le bouton de réglage fait avancer l'ensemble du calendrier par saut d'un jour (attention, ne pas laisser à portée de votre petit neveu), trois poussoirs permettant par ailleurs de régler séparément les différentes indications du calendrier. Pour l'instant, le cadran est prévu en allemand, en anglais et en italien. Ben ouais, les collectionneurs français sont encore à la traîne...
Le QP devrait arriver chez les revendeurs au début de l'année prochaine, pour un prix de 75 000 DM en or et 91 000 DM en platine.
Nous avons profité de notre visite pour nous attarder un peu sur la Lange 1 tourbillon, qui tourne dans le sens anti-horaire. Avis partagés, comme l'an dernier, surtout sur la petite petite seconde renvoyée en bas du cadran principal. Quant au Datograph, toujours pas d'autres métaux que le platine pour la boîte. Cela pourrait venir un jour, mais quand ?
Lange prévoit de produire 6000 montres cette année. Et la prochaine nouveauté sera très certainement une complication (répétition minute ? Les paris sont ouverts ?)Le soir, nous étions invités à dîner avec les amis du LOG (et son MC Peter Chong) par Frank Mueller, le patron de Lange. Nous avons longuement conversé avec Rheinhard Meis (autant que mon allemand et celui de Pierre nous le permettait !), qui dessine les montres Lange. M. Meis portait à son poignet droit une montre parlante à quartz à 20$ et à son poignet gauche une Reverso Duo Face, dont il a dessiné le cadran (ainsi que celui de la Master Géographique, si mes souvenirs ne me trahissent pas).
Avant la renaissance de Lange, Meis travaillait chez IWC avec Günter Bluemlein, qui le premier eu l'idée d'une montre où aucune indication ne recouperait les autres, la future Lange 1. Le bureau de style d'IWC a longuement planché sur la question, avant que Meis... ne reprenne le problème à zéro. De nombreuses variantes ont été explorées (logo, caractères du cadran, forme de la boîte, des cornes, du verre) avant que ne soit gelé le design définitif.
Meis est un homme heureux, car au lieu de s'adapter à des ébauches existantes, il dispose chez Lange de la liberté de créer un cadran dont les proportions gouverneront celles du mouvement. Ainsi, pour la Datograph, exercice en rond triangle carré basé sur le nombre d'heure dont il nous a griffonné une esquisse au revers du menu...
Toujours très pro, nous nous sommes efforcés de faire boire M. Meis pour lui arracher quelques scoop croustillants, mais bon, la Saxe ce n'est pas le Lazio et nous ne sommes arrivés qu'à lui arracher un sourire en lui demandant si Lange prévoyait de lancer un jour un modèle de sport ("ha ha ha, la Lange 2 par exemple ?"), et quelle serait la nouveauté de 2002 (les modèles étant imaginés trois ans à l'avance, elle est déjà dans le tuyau!).
Frank Mueller nous ayant invité à venir visiter l'usine Lange, nous pouvons en tout cas prédire qu'un compte-rendu arrivera sur le site dans le courant de l'année...
Le lendemain matin, visite chez IWC, qui sort deux nouveaux modèles cette année dans la ligne GST : Un chronographe rattrapante :
Un chronographe rattrapante...
et un Quantième Perpétuel "de sport", rhabillage de la Da Vinci dans un boîtier de 43 mm en acier ou en titane.
La montre est assez massive, comme dit leur pub c'est pas pour les fillettes (quoi que, le chrono portugaise vu au poignet d'une RP d'IWC paraissait très élégant). On aime ou pas; notre ami Francis, designer, a plutôt flashé, nous moins, d'autant que l'utilité d'un QP tout terrain est loin d'être évidente (mais bon, à ce train là, la nécessité de produire des montres mécaniques en 2001 l'est aussi peu)
Nous avons longuement interviewé Kurth Klaus, qui travaille depuis 44 ans chez IWC (il a été formé par Albert Pellaton). Officiellement à la retraite (sa dernière création est le calibre 5000 lancé l'an dernier, premier mouvement maison depuis fort longtemps), Klaus s'occupe toujours activement de la promotion d'IWC, ce qui fait de lui un retraité à plein temps.
Kurt Klaus
L'interview
Le groupe autour de Kurt Klaus
Nous avons reparlé ensemble du calibre 5000, mouvement de grande dimension utilisant le très efficace système de remontage inventé par Albert Pellaton et doté d'une réserve de marche de 7 jours inauguré l'an dernier dans une portugaise... grand format !
Le système Pellaton a été pendant 50 ans la marque de fabrique des mouvements automatiques IWC d'avant la grande crise (du quartz), il était donc logique de le retrouver dans le premier mouvement 100% IWC de l'ère nouvelle. Ce système très fiable et très efficace implique, par la l'épaisseur du galet, un mouvement assez râblé, ce qui détermina son abandon dans les années 70 où la mode était aux montres extra plates. ce fût la fin des calibres maison chez IWC, à l'exception des montres de poches, toujours produites en petite série avec les mêmes mouvements que dans les années 30 (dont un modèle à calendrier complet avec phase de lune). Tradition, tradition.
Mais la mode a changé... et le système Pellaton revient, avec un bras porte-galets identique à celui des anciens calibres automatiques et un bloc balancier/échappement/spiral identique à celui du 12 lignes à remontage manuel de la Mark XI. Un équipement qui a largement fait ses preuves dans le cockpit des avions de chasse !
Les caractéristiques mécaniques du calibre 5 000, et notamment sa réserve de marche, ne permettent néanmoins pas d'envisager sa réduction pour l'inclure dans une ligne de montres de dimension standard. Il y aura donc bientôt un nouveau calibre de plus petite taille, mais qui reprendra probablement le système Pellaton.
Kurth Klaus est un fervent défenseur de ce système, qui a fait ses preuves pendant 50 ans : les calibres anciens ont bien résisté au passage du temps. Kurth Klaus précise d'ailleurs qu'IWC est en mesure de réparer toutes les montres produites par la manufacture, quitte à reconstruire les pièces nécessaires aux montres de poche du début du siècle (l'atelier a d'ailleurs produit une petite série de rochers et de roues de couronne).
On a critiqué le choix d'une fréquence -basse- de 18 000 pour le nouveau calibre 5000. Mais Kurth Klaus est sûr de son choix : pourquoi changer les caractéristiques d'un mouvement qui marche si bien ! De toute façon, le diamètre du mouvement impliquait un grand balancier et interdisait par conséquent une trop haute fréquence. Dans les années 60, certains mouvements IWC ont été transformés pour passer de 18 900 à 21 000 , mais sans résultats très probants...
Reste la question des vis bleuies... absentes sur le calibre 5000. Klaus estime que, dans la mesure où les mouvements nickelés des montres de poche n'avaient jamais de vis bleuies (qui étaient réservées aux mouvements dorés) et que les mouvements IWC (même, désormais, les mouvements sur base ETA) sont nickelés (pour se démarquer des mouvements rhodiés de la Vallée de Joux)... les vis bleuies n'ont pas leur place ici (d'autant que, si dans des temps plus anciens, le bleu était le signe de la dureté, aujourd'hui les fours modernes permettent d'obtenir la dureté exacte en gardant l'aspect métallique des vis). Kurth Klaus défend d'ailleurs fermement cette option; pour lui, les mouvements nickelés des années 20 ont aussi bien tenu le coup, sinon mieux, que les mouvements rhodiés (pour lesquels les bains de traitement sont plus délicats).
Questionné sur les spiraux, M. Klaus nous explique que les spiraux aciers étaient déjà en Nivarox il y a 44 ans quand il est entré chez IWC, la vertu du Nivarox étant d'être peu sensible aux écarts de température (ce qui évite le réglage difficile qu'exigeait les balanciers à compensation).
Si JLC fabrique ses échappements (ancres et roues), Rolex commence à fabriquer une petite partie des siens, mais IWC reste dépendant du groupe Swatch pour la fourniture des échappements, monopole que Klaus regrette, même si IWC choisit la position des leviers qui lui convient, et exige une tolérance de quelques microns.
Tout l'assemblage des calibres, livrés en pièces détachées par ETA (échappements et balanciers sont achetés séparément des calibres) et Jaeger, est fait chez IWC. Les pièces sont traitées, rectifiées, modifiées le cas échéant (modification de la platine pour la portugaise avec petites secondes à 6h).A propos du nouveau QP GST, M. Klaus soutient que la nouveauté n'est pas de mettre une Da Vinci dans une boîte de GMT (on s'en doutait) mais bien de mettre un QP dans une vraie montre de sport, qui doit résister à un test de choc de 1 mètres sur une surface dure (la montre doit continuer à fonctionner normalement et garder la marche dans une tolérance de 30 secondes après le choc. Après les premiers essais, des vis plus rigides ont été choisisses pour la fixation dans la boîte et quelques modification ont été faites dans le calendrier.
IWC a arrêté la Deep One, que M. Klaus considère comme une grande complication (elle est assemblée par les mêmes horlogers que les pièces les plus compliquées de la marque). Après 500 exemplaires produits, IWC cherche des moyens de simplifier la production de la Deep One, difficile à assembler et à régler. Le calibre 889 Jaeger, petit calibre employé pour laisser suffisamment d'espace au profondimètre, est par ailleurs trop délicat à assembler pour permettre une production plus importante. C'est la raison de son abandon au profit de l'ETA 2892 dans l'IWC Mark XV.
Questionné sur les Da Vinci en céramique, M. Klaus nous explique que les boîtes sont si difficiles à produire qu'elles mettent la céramique au prix de l'or 18K. Même problème pour le verre saphir : un seul fournisseur en Suisse peut assurer la production de verres saphirs pour la Da Vinci, soit un maximum de 200 par ans (pour 2000 Da Vinci). Le plexi reste donc le standard (comme sur la Da Vinci acier que M. Klaus porte à son poignet) et le saphir une option coûteuse.
Nous avons quitté IWC pour une brève visite chez Zénith. Rachetée en 1999 par LVMH, Zénith est encore dans a tourmente de la restructuration du pôle horloger du groupe (avec une remise à plat complète d'Ebel, notamment). Pas de grande nouveauté cette année, donc, mais quelques variations dans les gammes Élite et El Primero.
Ulysse Nardin lance cette année la Freak, une montre étrange dotée d'un carrousel central et dépourvue d'aiguille.
C'est la vitrine d'un nouvel échappement dit "dual direct", avec des roues en silicium qui ne nécessitent pas de lubrification sur les points d'impact. La montre sortira en Septembre. Joël nous en reparlera plus en détail dans un article à venir.
Nous avons également pu découvrir un Quantième perpétuel GMT, avec date réglable dans les deux sens, d'une manipulation remarquablement simple et un curieux chrono marine avec lunette tournante et bracelet caoutchouc/métal. Vu également une nouvelle michelangelo GMT...
Vu ˇgalement une nouvelle michelangelo GMT...
Une des grosses attractions de cette foire de Bâle fût incontestablement la montre de poche (grosse poche) Star 2000 de Patek Philippe, une montre ultra compliquée dans l'esprit du calibre 89.
Une remarquable animation trois D plongeait dans le mouvement avant de nous faire découvrir toutes les fonctions de la montre.
Patek réaffirme haut et fort son leadership dans le domaine des montres compliquées et ajoute au modèle de poche un modèle bracelet, la sky moon tourbillon (un peu plus de 4 millions de francs). La boîte est très large et très épaisse, ce qui fait de l'objet, comme souvent pour ce genre de porte-étendard, d'avantage une prouesse technique qu'une "vraie" montre de poignet.
Autre nouveauté, une Calatrava Travel Time, avec GMT réglable par deux poussoirs comme sur... l'Oris Worldtimer !
Emmanuel Bréguet nous reçoit sur le stand éponyme, au milieu des flons flons du show Oméga/Swatch.
Pour le bicentenaire de l'invention du tourbillon, Bréguet sort un magnifique garde-temps... dont le couvercle cache malheureusement le tourbillon (très épuré).
Vue également, une réserve de marche avec aiguille serpentine.
Chez Oméga, l'heure est à l'échappement coaxial.
L'invention de Georges Daniels, jusque là réservée à une série limitée très onéreuse, se trouve désormais sur deux modèles bien plus abordables (à partir de 4000 SFr) : une constellation à réserve de marche, une autre GMT. La boîte un peu tourmentée ne fait pas oublier les Pan Pie du bon vieux temps, mais bon... Côté bracelet, Oméga réédite pour l'occasion un bracelet "manufacture" réplique de celui des constellations. On dirait une peau de morue, mais bon, chacun ses goûts.
Les speedmasters automatiques se déclinent désormais en version femme. La taille ne bouge pas, mais les pierres encerclent le cadran. La seamaster hérite d'une lunette... façon Rolex Yachtmaster (dommage). Quant au joli speedmaster pro avec phase de lune, il se décline désormais en cadran blanc et tachy noir, en or ou acier.
Chez Chronoswiss... Rien à signaler.
Nous parlementons cinq minutes avec la jeune femme qui se tient à l'entrée du stand avant qu'elle accepte de nous diriger vers une jeune femme des relations publiques, qui prend dix minutes pour nous expliquer (après avoir pris notre adresse, au cas où nous serions tenter de cracher le morceau à la Stasi) qu'elle n'a rien à nous dire et que nous n'aurons même pas une documentation, voir un prospectus. De toute façon, comme elle nous l'explique, Chronoswiss vient de lancer son site internet, donc ça va, merci, passez votre chemin. Ce que nous fîmes.Chez Blancpain, malgré un rendez-vous pris longtemps à l'avance, on nous reçoit très gentiment mais sans pouvoir nous montrer une seule montre...
Donc, pour résumer rapidement, Blancpain sort ses six complications en version femme. Ce sont les mêmes qu'en version homme... mais avec des bracelets pastels !
Blancpain sort aussi un chrono flyback rattrapante tourbillon QP, le Quattro, dont nous ne pensons pas grand chose, faute d'avoir pu la manipuler.
Bon, ben, ça sera pour l'année prochaine.
La journée de samedi se termine par une très rafraîchissante visite chez Vincent Calabrese... Que je laisse à Joël le soin de commenter dans son Bâle Express 2001.