La revue Minerva
par Guy le 19. septembre 2005
Historique
Le nom « Minerva », (Minerve en français), déesse de la guerre, mais aussi des arts et des sciences, fait sa première apparition sur un cadran en 1923.
Cette année-là, la firme fondée en 1858 par Charles-Yvan et Hippolyte Robert à Villeret dans le Jura suisse est en effet rebaptisée Fabrique Minerva, Robert Frères S.A.
A cette époque, l’entreprise qui jusque là avait fabriqué des calibres pour montres de gousset, dont un mouvement à chronographe, le 9 CH, commence à produire des montres-bracelets.
En 1923 toujours est commercialisé le calibre de chronographe 13-20 CH à 12 lignes ¾.
La famille Robert s’étant retirée de l’entreprise en 1935, c’est l’horloger Jacques Pelot qui se retrouve aux commandes rejoint en 1940 par son neveu, l’ingénieur horloger André Frey.. Ce dernier développera et construira plusieurs mouvements de montres dont le calibre 48, dont il sera question plus loin.
Minerva réussira à survivre à la crise provoquée par l’apparition des montres à quarz grâce à ses compteurs et chronomètres de poche.
La marque entrera même dans le livre Guiness des records avec son modèle réf. 1408 oscillant à 360 000 A/h.En 1980 André Frey sera rejoint à la tête de la manufacture par son fils Jean-Jacques.
La famille Frey restera propriétaire de la manufacture jusque fin 2000, où elle sera vendue au richissime financier italien Emilio Gnutti.
Celui-ci voulant jouer dans la cour des grands (AP, VC voir PP) a investi des sommes colossales pour totalement moderniser la manufacture, y installer, en plus des outils de production existants, d’autres ultra modernes et embaucher une vingtaine de personnes supplémentaires sous la houlette de Beppe Menaldo, nouveau directeur, et de Demetriu Cabbidu, un horloger de renom.
Les montres de la nouvelle gamme n’ont plus grand-chose en commun avec celles de l’ère Frey sauf peut-être leur distribution encore plus confidentielle, les prix ayant été multipliés par dix !
J’ai eu la chance de voir les nouveaux modèles à Brescia chez l’un des rares concessionnaires.
Autant les montres sont devenues qualitativement impressionnantes, autant les prix sont devenus dissuasifs !
LES
Dans les années 90, les Frey tentent un come back et lancent une nouvelle gamme de montres bracelets s’inspirant de certains de leurs modèles des années 40 et 50.
La Minerva Pythagore en est le modèle phare.
Les premières versions, fidèles à leurs ancêtres, sortent dans des boîtiers en 34 mm de diamètre et en 5 versions de cadrans différents.
Grâce à Internet, des enthousiastes vont découvrir cette minuscule manufacture familiale de 9 personnes capable de produire à prix, somme toute, raisonnables des montres au design classique et élégant et , qui plus est, avec mouvements de manufacture.
Le succès, tout relatif, car la production n’a jamais pu dépasser les 1 000 montres par an, fut au rendez-vous !
Les modèles 34 mm seront ensuite épaulées par 3 versions aux dimensions plus actuelles :
les grandes Pythagore 38 mm, objets de cette revue puisque j’ai la chance d’en posséder deux.
On peut voir ici la troisième version en 38 mm à coté d’un modèle 34 mm. La différence majeure entre les deux modèles, hormis la taille, est le 6 mangé par la petite seconde.
Le boîtier :
Il est soit en acier poli sur le modèle « Anniversaire » :
soit en acier satiné sur le modèle « Aviateur » :
son diamètre est de 38 mm pour une épaisseur de 8,9 mm., ce qui est quasiment idéal.
La montre se porte parfaitement sous une manche de chemise, n’est jamais gênante et n’a pas l’air sous dimensionnée sur un poignet de didon.
Sa forme est d’un classicisme parfait et il est surmonté d’un verre saphir très légèrement en dôme.
A noter que les cornes ne sont pas simplement recourbées vers le bas, mais ce faisant suivent plusieurs angles.
La couronne de belle taille avec le logo de la marque, une flèche à l’intérieur d’un cercle, permet un remontage aisé et d’une extrême douceur.Le cadran :
Indices appliqués or, aiguilles feuilles à l’avenant pour le modèle « Anniversaire » :
chiffres lumineux au tritium, aiguilles lumineuses au superluminova (étonnant cet emploi de deux technologies différentes sur un même cadran !) et échelle 24 h en plus de celle de 12 h pour le modèle « Aviateur » :
Aucune littérature inutile sur les cadrans, sobriété et classe tout simplement.
Tout cela est fort bien réalisé.
Le mouvement :
En 1943 André Frey développe et construit le calibre Minerva 10 lignes ½ N°48 à petite seconde, puis le N°49 à seconde centrale.
Des bases esthétiques et mathématiques ont été harmonieusement liées lors de sa construction.
Ses proportions idéales sont basées sur la « section d’or 1,618 », dont la découverte est attribuée à Pythagore, d’où le nom donné par André Frey à ce modèle.
Les ponts aux lignes inhabituellement droites s'opposent les uns aux autres à des angles de 0°, 45 ou 90°. Il en résulte une mécanique en harmonie avec la perception esthétique humaine.
La façade du Parthénon par exemple s’inscrit dans un rectangle d’or, c’est-à-dire que le rapport de la longueur à la hauteur est égal au nombre d’or.
Le fond du boîtier sur lequel on trouve le numéro de série de la montre est vissée et équipé d’un verre saphir à travers lequel on découvre le mouvement.
Les autres caractéristiques du calibre 48 sont :
- mouvement mécanique à remontage manuel 17 rubis avec petite seconde
- diamètre de 23,60 mm pour une hauteur de 3,80 mm
- ponts avec décor côtes de Genève réalisé par un seul artisan à la fraise de buis, donc la façon traditionnelle la plus soignée encore pratiquée
- échappement ancre, 18 000 A/h
- balancier glucydur à vis, antichoc incabloc
- pont de roue d’ancre avec plaque contre-pivot
- réserve de marche de 45 h
- option réglage fin par col de cygne :
ou pas :
Le bracelet :
J’ai remplacé sur le modèle Anniversaire le fort beau bracelet en autruche couleur miel d’origine par un croco de Louisiane, qui fait davantage ressortir le côté habillé de la montre.
La boucle ardillon porte naturellement le logo de la marque.Pour le modèle Aviateur j’ai réussi à trouver en remplacement du bracelet cuir veau à surpiqûres blanches d’origine le très agréable bracelet métal satiné.
La boîte et les documents :
Une boîte en cuir bleu dans une surboîte en carton de couleur bleu marine et livret de garantie.
Conclusion :Ces montres présentent une foule de petits détails que l’on prend plaisir à contempler, on les ôte volontiers du poignet pour les regarder, pour admirer le bel équilibre de leurs proportions, puis on les retourne pour se plonger dans le mouvement et suivre la tranquille oscillation du balancier.
Alors parfaites ? Non, bien sûr. Il a été signalé de ci de là que la jolie finition n’est que superficielle, que le mouvement n’est pas décoré côté cadran ni jusque dans les ultimes détails comme chez Lange ou PP, je ne saurais dire et peu m’importe, car elles ne jouent pas dans la même catégorie.
Pour moi, leur charme vient justement du côté humain de leur fabrication et ces montres au rapport qualité prix étonnant à leur sortie sont d’ores et déjà des classiques dont j’espère ne jamais devoir me séparer.
Guy